Chronique de la Réserve Naturelle de Mont-Bernanchon

On entend sous le nom de Réserve Naturelle de Mont-Bernanchon (MTB) un ensemble de 5 bassins créés sur le territoire de la commune en 1966, le long du canal d’Aires à La Bassée. D’importants travaux d’approfondissement avaient été entrepris à l’ époque, qui ont permis à cette voie fluviale d’accéder au statut de Canal à grand gabarit selon les normes Européennes. Ces bassins servaient alors à la décantation des boues extraites pendant les travaux. Ils ont ont été dénommés « Dépôts des Voies Navigables de France », chacun recevant un numéro faisant partie d’une série consécutive. Six dépôts de ce type ont été construits à Mont-Bernanchon. Après la fin des travaux, ces dépôts, qui appartiennent toujours aux Voies navigables de France, ont été désaffectés. Ce qui a permis le développement d’une riche vie naturelle. En conséquence, l’ensemble des dépôts (un peu plus de 45 hectares) a été classé ZNIEFF (Zone Naturelle d’Intérêt Faunistique et Floristique), eu égard à la richesse de son contenu botanique et de sa faune (plus particulièrement en amphibiens et oiseaux) . Je compléterai ultérieurement l’historique de la constitution de cette Réserve Naturelle fondée sous l’impulsion de Madame Raymonde Trollet-Da Silva, à l’époque Maire de la commune. Il faut préciser qu’à ce jour la Réserve n’a pse été enregistrée officiellement. Je remercie Mme Marie Claude Duhamel, présente Maire de Mont-Bernanchon, ainsi que Mr Guy Lefebvre, longtemps premier adjoint à la mairie, pour les informations qu’ils m’ont fournies à cet égard.

La carte ci-dessous (montre la situation et les voies d’accès à ces anciens dépôts que je qualifierai parfois de « Bassins ». Elle précise aussi leur numérotation de 49 à 54, qui reste leur dénomination actuelle. Le bassin 54 est le plus vaste et celui dont la vie aviaire est la plus riche. Mais chacun des autres présente son intérêt. Le bassin 49 n’est pas habituellement considéré comme faisant partie de la Réserve, car sa partie encore en eau est devenue l’Etang départemental de pêche, tandis que sa partie boisée, asséchée pour sa plus grande part, a été louée par les voies Navigables, à la Société de Chasse de Mont-Bernanchon. Il n’en a pas moins un intérêt naturaliste certain, renforcé par les bassins des huttes de chasse adjacentes, l’ensemble n’étant chassé qu’une partie de l’année. Le bassin 52, qui est presque complétement asséché et dont l’interêt ornithologique est moindre, a aussi été loué à cette Société de chasse.

Carte des bassins de Mont-BernanchonCarte des bassins de Mont-Bernanchon Cette carte de Mont-Bernanchon (MTB) s'articule autour du Canal d'Aires à La Bassée dont le tracé la traverse en oblique. Les numéros localisent les 6 bassins de décantation ou "dépôts ». Le centre de MTB se situe en face du Dépôt 53 dont il est séparé par le canal. Le double trait plus fin qui traverse le canal est la route de Béthune qui le traverse au niveau du Pont de Saint-Venant. Sur la droite, c'est le Pont de Supply qui le traverse à son tour prés du dépôt 54, permettant de rejoindre le village d’Hinges via le riez du vinage. Le village de Robecq se situe à gauche de la carte, et celui de Gonnehem au dessous de celle-ci.

La présente chronique se veut un relais de celle que Claude Jougleux, assisté d’un groupe d’ornithologues régionaux, au premier rang desquels Bernard Compagnon, a tenu de 2000 à 2013 sur son site http//claude.jougleux.free.fr. Ce site, toujours consultable, a répertorié un grand nombre d’observations des plus intéressantes. Comme il l’a fait à cette époque, je souhaite avant tout sauvegarder une trace de la riche vie naturelle qui s’est développée avec le temps dans les 6 bassins de décantation de cette commune. Mais tout autant, ce document ce document est conçu comme un outil de sensibilisation des habitants de MTB et des environs à la richesse environnementale de cette belle commune, ainsi que peut-être, pour certains, une initiation à l’ornithologie ou au moins à l’identification des oiseaux locaux. La plupart des photos publiées sur ce site ont été prises par Jacques ou Françoise Buvat, sauf mention différente à la fin du titre de la photo. Elles peuvent être reproduites à condition d’en demander l’autorisation.

Je complèterai ultérieurement l’historique de la Réserve Naturelle et ajouterai une présentation de chacun de ses dépôts, soulignant leurs intérêts spécifiques.

2023

Dépôt ou bassin 54

JANVIER 2023

Le 5 : - Fuligules Morillon : 6 mâles et 1 femelle

Sarcelles d’hiver : entendues, comme les 8 et 14 janvier

Fuligules morillon (Tufted duck, Aythya fuligula), adultes nuptiaux, Réserve Naturelle de Mont Bernanchon, Hauts de France. Fuligules morillon (Tufted duck, Aythya fuligula), adultes nuptiaux, Réserve Naturelle de Mont Bernanchon, Hauts de France. La femelle, toute brune, précéde les 2 mâles. La visibilité de la huppe du mâle, typique de l'espèce, et qui lui vaut son nom anglais, est inconstante. Sur cette photo elle n'est évidente que chez le second mâle. Mais le "pattern" de la répartition du blanc et du noir est caractéristique de l'espèce.
Grands cormorans adultes (Great Cormorant, Phalacocrorax carbo) pêchant dans le bassin du dépôt 54. Réserve Naturelle de Mont-Bernanchon, Hauts de France.Grands cormorans adultes (Great Cormorant, Phalacocrorax carbo) pêchant dans le bassin du dépôt 54. Réserve Naturelle de Mont-Bernanchon, Hauts de France. les Grands Cormorans sont des hôtes réguliers du dépôt 54. Son bassin est très poissonneux. Ils y pêchent donc régulièrement. A l'âge adulte ce sont de gros oiseaux (longueur jusque 1métre, envergure jusque 1m50), tout noirs. La poitrine des jeunes individus reste cependant blanche toute leur première année, facilitant leur identification.
Grands cormorans (Great cormorants, Phalacocrorax carbo) perchés sur l'extrémité Nord-Est de leur dortoir, Dépôt 54, Réserve Naturelle de Mont-Bernanchon, Hauts de France.Grands cormorans (Great cormorants, Phalacocrorax carbo) perchés sur l'extrémité Nord-Est de leur dortoir, Dépôt 54, Réserve Naturelle de Mont-Bernanchon, Hauts de France. Les Grands Cormorans sont d'autant plus souvent observés sur le Dépôt 54 qu'il y ont établi un dortoir. Celui-ci a d'abord occupé la berge Nord-Est de son bassin. La photo montre au moins 8 Grands Cormorans sur l'arbre l'arbre qui l'a supporté le premier. Depuis 2 ans, suite à des travaux d'élagage, le dortoir s'est étendu à plusieurs autres arbres sur la berge Sud-Est.

Les 13 et 14 : Comptage Wetlands international étalé sur 2 jours du fait d’un important brouillard le 13 : Total observé pendant ces 2 jours sur l’ensemble de la partie du site de MTB (Mont-Bernanchon) évaluée chaque année à cette occasion (Bassins 51, 53 et 54 + canal d’Aires à La Bassée dans sa partie traversant la commune) :

Mouette rieuse (Black-headed gull, Chroicephalus ridibundus), adulte internuptial au vol, Dépôt 54, Réserve naturelle de Mont-Bernanchon, Hauts de France.Mouette rieuse (Black-headed gull, Chroicephalus ridibundus), adulte internuptial au vol, Dépôt 54, Réserve naturelle de Mont-Bernanchon, Hauts de France. Une mouette commune et très grégaire, souvent observée sur ce dépôt. Le très grand nombre vu ce jour là à Mont-Bernanchon comme dans les communes avoisinantes était toutefois inhabituel. Sont typiques de l'espèce les ailes pointues à bord antérieur blanc, en plumage internuptial comme sur ce cliché la tête blanche hormis la tâche parotique noire (au niveau des oreilles), alors que la tête est brun-chocolat en plumage nuptial), la base du bec et les pattes rougeâtres.
Fuligule milouin (Common pochard, Aythya ferina), mâle en plumage d'hiver, Dépôt 54, Réserve Naturelle de Mont Bernanchon, Hauts de France.Fuligule milouin (Common pochard, Aythya ferina), mâle en plumage d'hiver, Dépôt 54, Réserve Naturelle de Mont Bernanchon, Hauts de France. Prototype des canards "plongeurs", qui plongent pour trouver leur nourriture, par opposition aux canards de surface qui, comme le Colvert, se contentent de basculer vers l'avant pour l'atteindre. Noter le profil concave de la ligne reliant le front à l'extrémité du bec, bec, caractéristique de l'espèce, y compris chez la femelle. Ainsi que la bande transversale gris clair sur le bec qui est tout noir en période nuptiale. Le rouge de la tête est aussi plus terne qu'en plumage nuptial et l'avant et l'arrière de l'oiseau sont gris-brun foncé plus terne que le noir brillant de l'oiseau nuptial.
Foulque macroule (Eurasian coot, Fulica atra), Réserve Naturelle de Mont-Bernanchon, Hauts de FranceFoulque macroule (Eurasian coot, Fulica atra), Réserve Naturelle de Mont-Bernanchon, Hauts de France Une silhouette familière pour tous que cette grosse boule noire (en moyenne 40 cm de long) agrémentée d'un bec blanc comme la plaque frontale qui constitue sa "marque de fabrique". Observé toute l'année sur la plupart des plans d'eau de notre région.
Grande Aigrette (Great egret, Ardea alba), se reposant sur le Dépôt 54 de la Réserve Naturelle de Mont-Bernanchon, Hauts de France.Grande Aigrette (Great egret, Ardea alba), se reposant sur le Dépôt 54 de la Réserve Naturelle de Mont-Bernanchon, Hauts de France. Outre par sa taille, on distingue la Grande Aigrette de la plus petite Aigrette garzette par son bec, qui est jaune la plupart du temps. Ce n'est qu'en période de reproduction qu'il devient noir, mais la Grande Aigrette est alors absente de Mont-Bernanchon. Ses pattes sont aussi totalement noires, y compris les pieds, alors que ceux de la Garzette sont distinctement jaunes.
Huit Grandes Aigrettes (Great Egret, Ardea alba) et 2 Aigrettes garzette (Little Egret, Egretta garzetta) perchées à la tombée de la nuit sur leur ancien dortoir du Dépôt 54,  Réserve Naturelle de Mont-Bernanchon, Hauts de France.Huit Grandes Aigrettes (Great Egret, Ardea alba) et 2 Aigrettes garzette (Little Egret, Egretta garzetta) perchées à la tombée de la nuit sur leur ancien dortoir du Dépôt 54, Réserve Naturelle de Mont-Bernanchon, Hauts de France. Ce dortoir fréquenté quotidiennement pendant plusieurs années a été abandonné du fait de dérangements excessifs. Episodiquement des aigrettes le réinvestissent pour quelques jours ou semaines, comme ce fut le cas en Janvier 2023. Malgré la pénombre régnant à l'heure tardive de ce cliché, on distingue la couleur jaune des becs des Grandes aigrettes. Les 2 garzettes sont plus petites, et tournent le dos.
Ouette d'Egypte adulte (Aegyptian goose, Apolochen Aegyptiaca) , Mont Bernanchon, Hauts de France.Ouette d'Egypte adulte (Aegyptian goose, Apolochen Aegyptiaca) , Mont Bernanchon, Hauts de France. Une grosse oie principalement beige, hormis son manteau brun et une tâche chocolat autour des yeux. Commune dans toute l'Afrique sub-saharienne. A envahi une partie de l'Europe suite à son introduction comme oiseau de parc. Classée espèce invasive en France. Observée régulièrement dans les Hauts de France où elle est moyennement abondante.

Autres observations remarquables faites sur la commune de MTB en Janvier : 2 Bécasses des bois et 8 Grosbecs casse-noyaux le 25 Janvier.

Bilan de la Réserve mi-AVRIL : prometteur à ce stade puisqu’on y observait :


Nous avions également revu dés le mois de Mars lespremiers Busards des Roseaux, de retour de leur migration annuelle en Afrique. Les Busards font partie des espèces vedettes de la Réserve. Ils s’y sont implantés de longue date puisque leur présence y fut répertoriée dés le premier relevé ornithologique de ce qu’on appelait alors « La Zone Naturelle des Dépôts de Voies Navigables de France de Mont-Bernanchon », il y a presque 20 ans. Ce relevé et les suivants peuvent êtres trouvés sur le site de Claude Jougleux (http//claude.jougleux.free.fr). Un mâle et 2 femelles y sont signalés le 2 Mars 2005, puis 2 femelles et 2 mâles paradant le 17. L’espèce y sera de nouveau observée chacune des années suivantes jusqu’à la fin des mises jour de ce site en Février 2017.

J’ai moi-même observé des Busards chaque année sur l’un ou l’autre des dépôts à partir de 2015 lorsque, nouveau retraité, j’ai pu me consacrer à plein temps à l’ornithologie. J’ai aussi pu y constater presque chaque année le succès de la reproduction d’au moins un couple : En 2016, après que le couple des Busards ait semblé installer son nid dans une zone reculée et particulièrement tranquille du Dépôt 54 (angle Nord-Est, à l’arrière de la roselière), c’est finalement sur le Dépôt 51 que j’ai vu apparaitre en Août 3 juvéniles volants escortés de leur mère. J’ai pu les suivre et les photographier presque quotidiennement pendant plus de 2 semaines. La tentative initiale sur le Dépôt 54 avait donc priori échoué. En 2017, ce sont cette fois 5 juvéniles que j’ai observés. (photos et détails ci-dessous).

Busard des roseaux juvénile (1er trimestre),Réserve Naturelle de-Mont-Bernanchon, Hauts de France Busard des roseaux juvénile (1er trimestre),Réserve Naturelle de-Mont-Bernanchon, Hauts de France Le 8 Juillet 2017, à 5h du matin je m'apprêtais à participer à une séance de baguage sous la gouverne de Camille Duponchelle lorsque j'aperçus au loin un gros oiseau noirâtre perché sur un grand buisson émergeant de la roselière du Dépôt 51. La brume s'estompait, faisant place à un soleil radieux. Quelle fut mon excitation lorsque je réalisais qu'il s'agissait d'un jeune busard, selon les marques jaunâtres observables sur sa tête. Sa tolérance à mon approche me donna l'impression qu'il n'était sorti du nid que depuis peu.
Busard des roseaux (Western Marsh Harrier, Circus aeruginosus) juvénile de premier trimestre vu de face, Réserve Naturelle de Mont-Bernanchon, Hauts-de-France.Busard des roseaux (Western Marsh Harrier, Circus aeruginosus) juvénile de premier trimestre vu de face, Réserve Naturelle de Mont-Bernanchon, Hauts-de-France. En balayant le dépôt de mes jumelles, je réalisais qu'il n'y avait pas un seul, mais 5 jeunes busards, chacun perché à la cime d'un arbuste, et peu farouche. Dans cette espèce , les juvéniles sont reconnaissables à leur plumage brun-noir, nettement plus foncé que celui des adultes. Mais le principal critère d'identification est la couleur jaune orange ou parfois jaune brun de leur calotte et de leur gorge, bien visible sur ce juvénile qui faisait face à l'objectif.
Busard des roseaux (Western Marsh Harrier, Circus aeruginosus),  juvénile de premier-trimestre vu de profil, Réserve Naturelle de Mont-Bernanchon, Hauts-de-France.Busard des roseaux (Western Marsh Harrier, Circus aeruginosus), juvénile de premier-trimestre vu de profil, Réserve Naturelle de Mont-Bernanchon, Hauts-de-France. Sur cet autre juvénile, vu cette fois de profil, on distingue aussi le trait sourcilier sombre qui englobe l'œil. Il est parfois difficile de distinguer un busard juvénile d'une femelle adulte, dont la gorge et la calotte sont également claires. Mais chez la femelle adulte, la zone claire est plutôt grisâtre que jaunâtre. De plus, chez la femelle adulte, mais habituellement pas chez le juvénile, l'avant de l'aile et éventuellement le centre de la poitrine sont aussi plus clairs, mais de nouveau plutôt grisâtres que jaunâtres (voir des photos de femelles adultes plus loin, ou en les recherchant par l'outil recherche par mot clé).
Busard des-roseaux juvénile (premier-trimestre), troisième individu, vu cette fois de dos, Réserve Naturelle de Mont-Bernanchon, Hauts de France. Busard des-roseaux juvénile (premier-trimestre), troisième individu, vu cette fois de dos, Réserve Naturelle de Mont-Bernanchon, Hauts de France. On retrouve chez ce troisième juvénile les principales caractéristiques du plumage du premier trimestre: totalement sombre, plus que celui des adultes, y compris des femelles, hormis la calotte et la gorge jaunâtres. L'iris est sombre, et le restera chez la femelle, tandis que chez le mâle il deviendra jaune, mais seulement à partir de la 3éme année.

En 2018, l’envol à 2 reprises d’une femelle Busard à quelques mètres d’un sentier que j’empruntais régulièrement pour observer la faune locale me fit découvrir un nid contenant 2 œufs (photo ci-dessous). Suite à quoi je modifiai l’itinéraire de mes relevés ornitho pour ne pas déranger de nouveau le couveur. Tenant compte du fait qu’il s’agissait a priori d’une ponte débutante (la ponte complète comporte 3 à 8 œufs chez cette espèce), ainsi que de la durée d’incubation chez ces Busards (31 à 34 jours), enfin du fait que les jeunes busards ne s’envolent pas du nid avant au moins 30 jours, de façon à ne pas mettre en péril cette couvée j’ai évité le secteur pendant les 6 semaines suivantes. Je ne suis revenu contrôler ce nid qu’après 45 jours, mais n’ai alors retrouvé ni nid,ni œufs, ni poussin. Le nid avait a priori été détruit ou abandonné. Cette année là, je n’ai pas observé de jeune Busard dans la Réserve, suggérant qu’il n’y avait pas eu de ponte de remplacement.

Nid de Busards des roseaux (Western Marsh Harrier, Circus aeruginosus) contenant 2 oeufs, Réserve Naturelle de Mont-Bernanchon, Hauts de France.Nid de Busards des roseaux (Western Marsh Harrier, Circus aeruginosus) contenant 2 oeufs, Réserve Naturelle de Mont-Bernanchon, Hauts de France. Nid révélé un 5 Avril par l'envol inattendu de la couveuse lors de mon passage dans la roselière. Une coupe de roseaux à peine esquissée, contenant 2 œufs blanc-bleuté. Ponte a priori incomplète (sinon 3 à 7 œufs). Nid ensuite abandonné ou détruit (détails dans le texte ci-dessus).

En 2019, j’ai de nouveau découvert fortuitement le nid des Busards. Il se situait près d’une zone où devaient se tenir quelques semaines plus tard des séances de baguage risquant de faire échouer la couvée. J’informais les bagueurs de cette reproduction en cours, de la nécessité d’éviter de poser leurs filets dans la zone correspondante, et plus généralement de la parcourir. Après concertation des bagueurs avec avec leur organisme de tutelle, le Museum d’Histoire Naturelle, il apparut utile de baguer les jeunes busards au cas où la couvée évolue. Avec l’accord du responsable local du Groupe Ornithologique Nord (GON), qui participa à l’opération, j‘indiquais donc l’emplacement du nid. Visité le 23 Mai, il contenait 5 poussins dont 2 franchement hypotrophiques (photos ci-dessous). Seuls les 4 plus gros furent bagués. La très petite taille et le manque de vigueur du plus petit ne permettaient pas d’espèrer qu’il survive plus de quelques jours. Les femelles Busard des roseaux pondent tous les 2 jours, et commencent à couver dés le premier œuf. De ce fait, les naissances sont échelonnées. Les derniers poussins, nés plusieurs jours après les premiers, sont moins vigoureux et donc moins à même de lutter efficacement avec leurs frères et sœurs plus grands pour s’octroyer une partie de la nourriture apportée par leurs parents. Ils meurent souvent de faim, quand ils ne sont pas tués et mangés par leurs ainés dans une période de disette. Ce comportement est fréquent chez les grands rapaces, le ou les derniers nés constituant souvent une réserve de nourriture pour le reste de la couvée dans des périodes où la chasse des parents serait moins couronnée de succès.

Il faut rappeler à cette occasion que tenter de photographier un nid d’oiseaux sauvages contenant des œufs ou des poussins, particulièrement s’il s’agit de rapaces, est contraire à l’éthique ornihologique si cette tentative expose à un risque d’abandon de la couvée du fait du dérangement des adultes. On doit donc se l’interdire. Ce ne peut être envisagé que dans quelques situations exceptionnelles, incluant l’intèrêt scientifique de baguer des espèces peu courantes pour pouvoir ultérieurement suivre le devenir des oiseaux bagués, ce qui était dans une certaine mesure notre cas. Cette séance combinant baguage et photos n’a pas en tous cas eu de conséquence fâcheuse pour le développement des poussins, puisque j’ai pu quelques semaines plus tard observer à 2 reprises jusque 3 juvéniles volants dans le dépôt où s’était déroulée la couvée.

Nid de Busards des roseaux contenant 5 poussins, Réserve Naturelle de Mont-Bernanchon, Hauts de France.Nid de Busards des roseaux contenant 5 poussins, Réserve Naturelle de Mont-Bernanchon, Hauts de France. Au centre de la photo on peut voir les vestiges de la coupe de roseaux qui constitua le nid initial. Les tailles des 5 poussins sont très dissemblables. Deux d'entre eux (au centre et à droite) sont franchement hypotrophiques. Le plus gros, tout en bas, l'est 3 fois plus que le plus petit, à droite de la photo. Ce dernier, par ailleurs peu réactif, ne fut pas bagué, car à l'évidence il ne survivrait pas plus de 2 ou 3 jours.
Busards des roseaux (Western marsh Harriers, Circus aeruginosus), poussins au nid, Réserve Naturelle de Mont-Bernanchon, Hauts de France.Busards des roseaux (Western marsh Harriers, Circus aeruginosus), poussins au nid, Réserve Naturelle de Mont-Bernanchon, Hauts de France. Pas trop stressés jusque là par l'irruption de quatre humains dans leur environnement habituellement plus tranquille!
Busard des roseaux (Western Marsh Harrier, Circus aeruginosus), poussin de quelques semaines juste après son baguage, Réserve naturelle de Mont-Bernanchon, Hauts de France.Busard des roseaux (Western Marsh Harrier, Circus aeruginosus), poussin de quelques semaines juste après son baguage, Réserve naturelle de Mont-Bernanchon, Hauts de France. Une minute après son baguage à la patte droite, le poussin paraissait calme. L'ouverture de son bec s'expliquait probablement par la chaleur en cette fin de matinée ensoleillée, mais il ne se débattait pas. La comparaison de ses dimensions à celle des mains qui le supportent donne une idée de sa taille à ce stade. Il s'agissait du plus gros des 5 poussins de cette couvée.
Busard des roseaux (Western marsh harrier, Circus aeruginosus), poussin au nid juste après son baguage, Réserve Naturelle de Mont-Bernanchon, Hauts de France.Busard des roseaux (Western marsh harrier, Circus aeruginosus), poussin au nid juste après son baguage, Réserve Naturelle de Mont-Bernanchon, Hauts de France. Certainement un peu stressé et sur la défensive, mais lorsque nous les avons quittés, aucun des petits busards ne s'était éloigné de son nid.

En 2020, avec mon épouse Françoise, nous avons pu observer et photographier le 1er Août sur le dépôt 54 un Busard des roseaux adulte accompagné de 2 juvéniles qui interagissaient bruyamment et fougueusement, sur un mode évoquant par moments certaines phases des parades nuptiales adultes (photos ci-dessous). Nous avons ensuite revu la même famille à 3 reprises jusque le 11 Août. Des adultes avaient été observés régulièrement sur le dépôt 54 au cours du mois de Juillet. Il est donc probable que cette fois, la nidification a eu lieu sur ce même dépôt. Les jeunes se perchaient souvent sur l’angle Nord-Est du dèpôt, appelant leur parent qui les y nourissait (a priori leur mère, car c’est elle qui, dans cette espèce, prend principalement en charge les juvéniles lorsqu’ils quittent le nid). Cette zone Nord-Est un plateau herbeux proche du dortoir des Grands Cormorans, qui a été progressivement envahi par la roselière et par des taillis. Elle n’est pas accessible aux promeneurs, et l’est très difficilement aux naturalistes. Un couple de Busards avait déjà tenté d’y nicher en 2016 (voir plus haut). En cette année 2020, il est probable que ce soit dans cette zone tranquille que les Busards se soient installés pour nicher.

Busards des roseaux (Western marsh harrier, Circus aeruginosus) apparemment très excités, et se chamaillant en vol, Réserve Naturelle de Mont-Bernanchon, Hauts de France.Busards des roseaux (Western marsh harrier, Circus aeruginosus) apparemment très excités, et se chamaillant en vol, Réserve Naturelle de Mont-Bernanchon, Hauts de France. Les plumages des 2 oiseaux sont brun très sombre, presque noirs, à l'exception, pour l'oiseau du haut de la calotte et de la nuque, jaune orangés, comme la gorge de l'oiseau du bas, dont la calotte n'est pas visible. Il semble donc bien s'agir de 2 busards des roseaux en plumage juvénile. Tous 2 poussent des cris aigus, presqu'incessants.
Busards des roseaux juvéniles en vol (Western Marsh Harrier, Circus aeruginosus), interaction acrobatique de 2 juvéniles de premier trimestre, Réserve Naturelle de MTB, Hauts de France. Busards des roseaux juvéniles en vol (Western Marsh Harrier, Circus aeruginosus), interaction acrobatique de 2 juvéniles de premier trimestre, Réserve Naturelle de MTB, Hauts de France. Le busard du haut semble menacer l'autre, ou plutôt feint de le faire, car il s'agit probablement d'un jeu. Celui du bas réagit par une position défensive acrobatique, pattes en l'air, comme s'il volait sur le dos! On peut aussi observer ce type de figure au cours des parades nuptiales d'adultes.
Busards des roseaux juvéniles (Circus aeruginosus) se chamaillant, Réserve naturelle de Mont-Bernanchon, Hauts de France.Busards des roseaux juvéniles (Circus aeruginosus) se chamaillant, Réserve naturelle de Mont-Bernanchon, Hauts de France. La joute se poursuit, toujours accompagnée de piaillements incessants. Nous reverrons la petite famille 2 puis 4 jours plus tard, toujours signalée par les cris incessants de l'un des juvéniles, puis une dernière fois 10 jours plus tard, cette fois silencieuse, tandis qu'un seul des juvéniles accompagnait sa mère.

En 2021, c’est le de nouveau sur le dépôt 51 que j’ai pu observer le 10 Juillet, à l’occasion d’une séance de baguage, 3 jeunes Busards des roseaux. C’est probablement l’un d’entre eux que j’observais 10 jours plus tard avec sa mère sur le 54. Puis dans la soirée du 31 Juillet je découvrais 2 magnifiques grands juvéniles chassant tard le soir sur la partie Nord-Est du Dépôt 53 où ces oiseaux ont ensuite passé la nuit (photos ci-dessous). Il est probable, mais pas certain, que les jeunes Busards observés le 20 Juillet et le 1 er Août faisaient partie des 3 vus sur le 54 le 10 Juillet.

Busard des roseaux (Western marsh harrier, Circus aeruginosus), juvénile chassant sur le Dépôt 53 de la Réserve naturelle de Mont-Bernanchon l(Hauts de France) le 31 Juillet 2021. Busard des roseaux (Western marsh harrier, Circus aeruginosus), juvénile chassant sur le Dépôt 53 de la Réserve naturelle de Mont-Bernanchon l(Hauts de France) le 31 Juillet 2021. Chez cet oiseau d'une taille presque adulte, on aurait pu discuter qu'il s'agisse d'une femelle adulte plutôt que d'un juvénile. Mais la nuance rousse et non crème de la calotte et de la gorge, comme l'absence de zone pâle au niveau du ventre plaident franchement en faveur d'un juvénile.
Second Busard des roseaux juvénile observé le 31 Juillet 2021, chassant sur le Dépôt 53 de la Réserve Naturelle de Mont-Bernanchon, Hauts de France.Second Busard des roseaux juvénile observé le 31 Juillet 2021, chassant sur le Dépôt 53 de la Réserve Naturelle de Mont-Bernanchon, Hauts de France. Comme le busard précédent, il est très peu probable qu'il se soit agi d'une femelle adulte. Cet oiseau était par ailleurs très probablement né sur le Dépôt 51 (plus de précisions dans le texte).

Jusque là un seul couple de Busards semblait s’être reproduit chaque année à Mont-Bernanchon. Toutes les reproductions semblaient s’être déroulées sur le territoire de la Réserve, chaque fois, à une exception prés, sur le même dépôt. Mais en 2022, ce sont 2 couples de busards qui se sont reproduits simultanément à MTB. L’un d’eux a couvé et élevé ses 2 jeunes sur le même dépôt que les années précédentes. Hervé Touzart, qui a suivi cette reproduction avec les précautions d’usage, nous a autorisés à publier quelques-unes de ses très belles photos (ci-dessous, et un peu plus loin, au niveau des critères d’identification du sexe des adultes) . Nous l’en remercions vivement. Par ailleurs, pour la première fois,au moins découverte ou rapportée, c’est en dehors de la Réserve, dans un champs de blé qui n’en était à vrai dire distant que d’une centaine de mètres, qu’un second couple a procréé avec succès (3 poussins non encore volants au moment de sa découverte). Depuis déjà plusieurs années, on signale en Europe une tendance croissante à la nidification de l’espèce en dehors des zones humides habituellement préférées. Peut-être du fait de la diminution progressive de ces zones. Probablement aussi du fait de l’augmentation du nombre de couples reproducteurs, devant se partager des zones humides moins nombreuses

Busard des roseaux (Western Marsh Harrier, Circus aeruginosus), mâle adulte apportant un campagnol à sa progéniture, Réserve naturelle de Mont-Bernanchon, Hauts de France.(Photo Hervé Touzart).Busard des roseaux (Western Marsh Harrier, Circus aeruginosus), mâle adulte apportant un campagnol à sa progéniture, Réserve naturelle de Mont-Bernanchon, Hauts de France.(Photo Hervé Touzart). Chez les Busards des roseaux comme chez beaucoup d'autres espèces, c'est le mâle qui assure la nourriture de la femelle et des poussins pendant les premières semaines de la reproduction. On distingue bien entre ses serres le petit rongeur qu'il vient de capturer, très probablement un campagnol, ou rat de terre. Ce rongeur pullule dans les champs à la période de sa reproduction, et constitue l'une de ses principales proies. A cette occasion, le Busard contribue à limiter son nombre, et les importants dégâts qu'il occasionne aux cultures.
Busard des roseaux (Western Marsh Harrier, Circus aeruginosus), mâle adulte apportant une autre proie à ses petits,  Réserve Naturelle de Mont-Bernanchon, Hauts de France.
(Photo Hervé Touzet)Busard des roseaux (Western Marsh Harrier, Circus aeruginosus), mâle adulte apportant une autre proie à ses petits, Réserve Naturelle de Mont-Bernanchon, Hauts de France. (Photo Hervé Touzet) Bien difficile cette fois d'identifier dans cette masse sanglante la proie qu'apporte le mâle Busard. Les busards sont des chasseurs opportunistes. Outre les petits mammifères, ils consomment des œufs et des petits oiseaux, particulièrement des poussins de foulques et de poules d'eau, des petits reptiles, des grenouilles, et même des insectes.
Busard des roseaux (Western Marsh harrier, Circus aeruginosus), mâle adulte nuptial apportant un petit rongeur à sa progéniture, Réserve Naturelle de Mont-Bernanchon, Hauts de France. Photo Hervé Touzart.Busard des roseaux (Western Marsh harrier, Circus aeruginosus), mâle adulte nuptial apportant un petit rongeur à sa progéniture, Réserve Naturelle de Mont-Bernanchon, Hauts de France. Photo Hervé Touzart. Comme le suggère cette autre très belle photo, les allers et retour du mâle ont été très nombreux avant que les juvéniles puissent s'émanciper. Une fois acquise leur autonomie thermique, la femelle pourra contribuer à leur alimentation. L'envol surviendra vers 6 semaines, mais ils devront encore être nourris environ 6 autres semaines, période pendant laquelle ils apprendront à chasser, principalement avec leur mère, avant de devenir autonomes.

Mis à jour le 17/11/2024 12:14