Pourquoi cette passion?

J’ai eu de longue date une forte attirance, sinon une fascination, pour l’Afrique. Premier séjour au Sénégal il y a près de 40 ans, et au cours d’une unique sortie brousse en 4/4 premiers arbres extraordinaires, Baobabs et fromagers, premiers troupeaux de zébus se rendant le midi à l’abreuvoir avec leur berger Peuhl, premiers rolliers et guêpiers multicolores, multitude des enfants surgissant de partout et harcelant les « toubabs » qui leur donneraient peut-être un bonbon ou un crayon, bref première impression d’une vitalité extraordinaire de ce pays sinon de ce continent en termes de population, de faune, et de vie végétale .

Du coup second séjour dès l’année suivante, cette fois immersion dans la brousse du delta du Saloum, logés dans la petite ville de Foundiougne, dans un hôtel pour pêcheurs et chasseurs où nous verrons notre premier Héron Goliath dans toute sa gloire. L’exaltation croit avec la découverte de l’avifaune exceptionnelle du delta, et avec la gentillesse renouvelée de sa population dont les contacts constituent nos premiers pas dans la découverte de la complexe identité Sénégalaise. Une passion s’allume !

Plus tard, au cours de la carrière médicale qui m’a entre autres mené à la présidence de plusieurs sociétés scientifiques Internationales ou à d’autres postes à responsabilité dans de telles structures, j’ai eu l’occasion de participer, et souvent même d’organiser enseignements et congrès spécialisés dans de nombreux pays d’Afrique. Chaque fois que je le pouvais j’ai profité de mon voyage pour me réserver un ou quelques jours supplémentaires pour découvrir leur population et les sites naturels qui y avaient été préservés. J’ai aussi souvent choisi l’Afrique, et particulièrement ses réserves faunistiques, pour y passer des vacances et m’exercer à la photographie.

Rien d’étonnant dans ce contexte à ce que, bien des années avant l’âge de la retraite, j’aie envisagé de la passer en Afrique, au moins une grande partie de l’année, pour continuer d’y vivre ma passion . Après avoir renoncé pour des raisons sécuritaires au Kenya que j’avais particulièrement souvent visité, puis à l’Afrique du Sud du fait de l’éloignement excessif que cela aurait impliqué vis-à-vis de ma famille, le Sénégal s’est présenté comme une option potentiellement avantageuse au regard des inconvénients précités.

En 2009, je séjournais de nouveau à Dakar à l’occasion d’une conférence scientifique auquel mon ami le Professeur Serigne Magueye Gueye m’avait invité à participer. Françoise, mon épouse, avait pu se libérer pour m’accompagner, et nous nous sommes donné deux jours après la conférence pour explorer les ressources naturelles de « la petite côte », qui borde l’océan Atlantique au sud de Dakar. C’est ainsi qu’après avoir visité la petite Réserve Naturelle de Popenguine, nous sommes arrivés par une fin d’après-midi ensoleillée à la lagune de la Somone, également classée Réserve Naturelle.

Il était encore temps d’en faire le tour en pirogue. La lumière était dorée, et la riche mangrove était constellée de centaines de points blancs constitués par autant de hérons garde-bœufs, d’aigrettes et de cormorans à poitrine blanche. La pirogue longea particulièrement une héronnière mixte où se reproduisaient de nombreux hérons et aigrettes de plusieurs espèces. Plus loin une quarantaine de spatules blanches se reposaient sur un ilot coquiller. Des centaines de sternes royales, caugek, caspiennes et naines mêlées à autant de mouettes et de goélands de différentes espèces et à des pélicans gris nous enveloppaient de leurs vols ou se reposaient sur des bancs de sable, un peu partout des balbuzards pêcheurs patrouillaient ou plongeaient sur leur proie …..

Emballés par ce spectacle nous avons décidé de passer la nuit sur place, et avons fait dès le matin suivant un nouveau tour de lagune, qui nous a fait éprouver la même exaltation. Dés ce moment nous avons ressenti que c’était sur les rives de cette lagune que nous souhaitions nous installer.

C’est ainsi que nous sommes revenus chaque année dans le pittoresque village de La Somone pour y éprouver les mêmes sensations fortes, commencer d’explorer les nombreuses autres réserves naturelles du Sénégal (plus particulièrement les Parcs Nationaux des Oiseaux du Djoudj, du Delta du Saloum, et du Niokolo Koba), et que nous avons acheté en 2011 une maison située à seulement 150 m de la lagune, entourée d’un grand jardin rempli d’oiseaux, et dont la terrasse domine la lagune et nous permet d’en observer les mouvements. Nous l’avons appelée « La Saga », ce qui était prémonitoire des multiples aventures que nous avons ensuite connues au Sénégal. Nous la rejoignons chaque fois que possible et elle nous sert aussi de base pour explorer chaque recoin du pays à bord de notre vieille mais fidèle Toyota Landcruiser. Ce sont quelques-unes des observations que nous ont permis et nous permettront encore longtemps, nous l’espérons, nos séjours répétés au Sénégal, observations principalement mais non exclusivement naturalistes, que nous souhaitons rapporter progressivement dans cette section de notre site.

Carte des régions et pays d'Afrique

Carte 1. Carte des régions et pays d'Afrique. Le Sénégal fait partie de la région Afrique de l’Ouest (en vert sur la carte) dont iI est même le pays le plus occidental. Sa surface est de 197000 km2 (soit 30% de celle de la France), et il compte 15,8 millions d’habitants, soit un peu moins du quart de la population Française.

Carte du Sénégal

Carte 2. Le Sénégal et ses Parcs Nationaux. Le Sénégal est parvenu à conserver dans ses parcs une partie importante de ses richesses naturelles. Ces Parcs Nationaux (PN) se situent pour deux d’entre eux au Nord (PN des Oiseaux du Djoudj, et PN de la Langue de Barbarie), pour deux autres au Sud (PN du Siné Saloum, ou du Delta du Saloum), situé juste au Nord de la Gambie Anglophone, et tout au Sud, à la frontière avec la Guinée-Bissau, le PN de la Basse Casamance. Le plus grand PN se situe au Sud-Est. C’est celui du Niokolo-Koba, qui s’étend jusque la frontière avec la Guinée, à travers laquelle il communique avec un autre très grand PN situé quant à lui en Guinée, le PN du Badlar. Dans les secteurs les plus reculés du Niokolo-Koba survit, malgré un braconnage sévère, un reliquat de la population originelle de grands mammifères qui peuplait jadis la région, dont de très grandes antilopes comme les Elans du Cap et de Derby, des Kobas, nom local de l’antilope Roanne, ainsi que quelques lions et léopards, et peut-être même, quelques éléphants. Quelques individus de cette grande faune originelle ont été transplantés dans deux réserves privées mieux protégées, où ces animaux se maintiennent, et même pour certaines espèces prospèrent (Réserves de Bandia et de Fathala). En plus de ces PN, il existe une dizaine de Réserves Naturelles sur le territoire du Sénégal.

Sur la gauche de la carte, près de l’Océan Atlantique, on notera les villes de Foundjougne, dont il est fait mention dans l’introduction, et, sur la petite côte qui s’étend au dessous de Dakar, le village de Somone dont il va être amplement question, entre la ville de M’bour, la seconde du Sénégal par sa population, et celle beaucoup plus modeste de Popenguine.

Carte 3. Carte de situation de La Somone, notre point d’attache au Sénégal. La Somone est une petite commune située sur la côte atlantique du Sénégal, dans la région de Thiès. Elle n’a été individualisée qu’en 2008 et nommée d’après la rivière proche « la Somone » dont l’estuaire a contribué à la formation de la Lagune de la Somone dont découlent les principales ressources (halieutiques et touristiques) du village. C’est aussi cette lagune dont on distingue la localisation sur la carte (au-dessus du village) qui a été à l’origine du coup de foudre qui nous a amenés à nous fixer sur ce site du Sénégal. La Somone compte actuellement 3700 habitants et reste, pour notre grand plaisir, un gros village traditionnel. Elle est située à une dizaine de km de Saly, ville plus importante qui vit essetiellement du tourisme, et où de très nombreux retraités Européens et particulièrement Français ont choisi de finir leur vie, profitant des avantages financiers que leur offre le gouvernement Sénégalais à condition qu’ils passent au Sénégal plus de 6 mois par an, ce qui ne leur est pas trop difficile vu l’ensoleillement exceptionnel du Sénégal.

Vue partielle de la colonie reproductrice des Hérons Garde-Boeufs, Réserve Naturelle d'intérêt Communautaire de La Somone Vue partielle de la Héronnière mixte de la lagune de La Somone en période de reproduction . Il s’agit de l’un des éléments qui nous a véritablement fascinés lors de notre première visite de la lagune. Les tâches blanches correspondent principalement à des Hérons Garde-bœufs, les plus nombreux, mais avec l’habitude on peut aussi plus ou moins distinguer dans la partie supérieure de la Héronnière quelques aigrettes des récifs (noires), Cormorans à Poitrine Blanche et Hérons cendrés, tandis que certaines des tâches blanches correspondent certainement aussi à des Grandes Aigrettes, des Aigrettes Garzettes, et des Aigrettes des récifs en phase blanche (cette espèce dimorphe peut se présenter sous la forme d’oiseaux noirs à gorge blanche, ou d’oiseaux blancs d’apparence très proche de celle de l’Aigrette Garzette).
Envol de sternes royales (Sterna maxima)et naines (Sterna Albifrons) en plumage internuptial, Réserve Naturelle d'Intérêt Communautaire de La Somone, Sénégal Envol de sternes royales, Caugek et Naines en plumage internuptial, Réserve Naturelle d'Intérêt Communautaire de La Somone, Sénégal. Les sternes se posent régulièrement sur le sable de la lagune en groupes de plusieurs centaines pouvant réunir jusque 5 ou 6 espèces. Elles s’envolent à la moindre alerte, comme ici l’approche d’une pirogue, donnant lieu à l’un des spectacles les plus exaltants que la Nature peut nous offrir sur cette lagune. Ici, outre une majorité de Sternes royales à bec orange (Royal Tern, Thalasseus Maximus), on peut distinguer quelques Sternes Caugek dont le bec noir se termine par une pointe jaune (Sandwich Tern, Thalasseus Scandivensis), et, dans la partie supérieure du groupe, quelques Sternes Naines, plus petites, et dont le bec est totalement sombre (Little Tern, Sternula Albifrons).
Zébus traversant la lagune à marée basse pour aller brouter les fanes dans les champs d'arachide juste récoltés. Lagune de la Somone, Sénégal Zébus traversant la lagune à marée basse pour aller brouter les fanes dans les champs d'arachide qui viennent d'être récoltés. Lagune de la Somone, Sénégal. Un spectacle banal sur la lagune que celui des longues files de zébus accompagnés de leur berger Peuhl, et d’un ou deux chiens, mais qui nous avait marqués lors de notre première visite. Ces troupeaux ne sont autorisés à monter dans les champs cultivés qu’après que tout le mil et les arachides ont été récoltés. Ici seul un chien accompagne ce petit groupe, et ce sera lui qui guidera leur retour au village en fin d’après-midi.
Carte Google Earth du village de La Somone et de sa lagune. La flèche bleue indique le site de notre maison « La Saga », située à environ 150 m de la berge de la lagune. Les couleurs de la lagune doivent être interprétées de la façon suivante :

- en bleu vert clair les étendues d’eau . A gauche l’Océan Atlantique qui communique avec la lagune par une passe peu profonde bien visible
- en vert foncé la mangrove qui cloisonne plusieurs bassins navigables.
- le trait vert oblique en haut et à droite (Sud-Est de la lagune) correspond à la forêt galerie qui entoure la rivière La Somone au cours de sa descente vers son estuaire constitué par la lagune.
- en beige le sable jamais ou rarement recouvert par la marée
- le long de ce sable sec une bande brune homogène de sable humide, juste découvert.
- les zones brunes hétérogènes arrondies sont des ilots de roche volcanique.
- la bande gris clair à l’Est de la lagune, sous le mot Somone, est une bande de sable plus clair, qui n’est recouverte par l’eau que lors des marées les plus fortes. Elle est fréquentée à mi-journée par les Balbuzards Pêcheurs qui s’y reposent, nous permettant d’évaluer leur nombre.
La Saga, notre maison à La Somone. La Saga, notre maison à La Somone. En plus de sa position privilégiée par rapport à la lagune, et particulièrement du fait d’être située sur le trajet des allers et retours incessants des Hérons Garde-Bœufs revenant de la brousse où ils trouvaient les criquets destinés à nourrir leur progéniture dans leur héronnière de la mangrove, c’est son grand jardin empli de mille fleurs multicolores et de quantité d’oiseaux qui a généré notre coup de foudre. Le balcon de cette terrasse envahie par les bougainvilliers y a particulièrement contribué.
Lagune de la Somone  (extrémité sud) à marée haute vue de la terrasse de La Saga L'extrémité Sud de la lagune de la Somone à marée haute depuis la terrasse de La Saga. Sur cette vieille photo un peu flashy prise à contre-jour pendant la première visite de notre future maison, on distingue par dessus les fleurs du Baobab Chacal, et celles des Bougainvilliers et d'un Orgueil de Chine orange, une grande étendue d’eau là où six heures avant il n’y avait que du sable, bordée à l’extérieur (ici à gauche) d’une lisière arborée, et à l’intérieur (ici à droite) d’une mangrove touffue.
Lagune de la Somone (extrémité Nord-Ouest) vue de notre terrasse au grossissement 400 Extrémité Nord-Ouest de la lagune de la Somone vue d’une terrasse supérieure de La Saga un 15 Septembre au grossissement 400. Cette photo a été prise depuis une terrasse plus élevée de La Saga, en visant l’extrémité la plus distante de la lagune (Nord-Ouest). On y observe une mangrove riche délimitant un grand plan d’eau rempli d’oiseaux mal définis. On y voit aussi que la berge Ouest de la lagune est occupée par une brousse arbustive encore vierge, dont la teinte verte indique qu’on vient juste de sortir de la saison des pluies.
Lagune de la Somone vue de notre terrasse au grossissement 800 (extrémité Nord-Ouest, 15 Sept). Rassemblement des Pélicans Blancs avant leur départ pour le Djoudj. Extrémité Nord-Ouest de la lagune de la Somone vue de notre terrasse au grossissement 800: Rassemblement des Pélicans Blancs avant leur départ pour le Djoudj. Cette foule de gros oiseaux non identifiés méritait bien un coup de zoom avec le tromblon dont je disposais à l’époque (le 300-800 de Sigma). Cette photo permit de confirmer l’impression initiale d’un rassemblement de Grands Pélicans Blancs (Great White Pelican, Pelecanus onocrotalus) en plumage nuptial, caractérisé par l’apparition de zones jaune orangé sur le plumage habituellement blanc immaculé. Plus tard j’en ai observé jusque plus de 500 sur la lagune à cette période de l’année. Ils se préparent alors à migrer en Octobre ou Novembre vers le Parc National des Oiseaux du Djoudj où ils vont se reproduire sur un gigantesque nichoir collectif.
Le photographe photographié. Sous l'un des plus gros Baobabs de la brousse de Somone, Jacques, adossé à sa fidéle Toyota Station-Wagon 2002 photographie une blondine Le photographe photographié: Sous l'un des plus gros Baobabs de la brousse de Somone, Jacques, adossé à sa fidèle Toyota Station-Wagon 2002, photographie une blondinette. Le Baobab ne brille pas par son feuillage car la saison des pluies a été médiocre, et les cueilleurs sont déjà passés pour récolter une partie de ses feuilles, utilisées dans la recette du couscous local.